Le vin en Russie, culturel et raffiné

Parmi les autres Eldorados du vin, se profile la Russie, avec ses nouvelles classes aisées, mais aussi ses consommateurs éclairés amateurs de vins de personnalité et un goût croissant pour l’occidentalisation.
On parle souvent d’un « goût russe » qui conduirait à préférer les vins sucrés. Cette tendance trouverait-elle son origine dans une tradition de l’église russe orthodoxe qui utilise du vin doux pour servir la messe ? Ce vin était importé de la région de Cahors avant la Révolution de 1917. Les moines qui le transportaient le goûtaient, dit-on, pour s’assurer de sa bonne conservation, ils rajoutaient du sucre pour compenser les manques. Depuis ce vin de messe, quelque soit son origine, porte le nom de « Kagor ». Cette préférence pour la douceur peut provenir aussi des vins de Crimée, où le prince Sergeïevitch Golitsyne, grand collectionneur de vin, avait développé au 19e siècle une viticulture orientée vers des vins de dessert et des liquoreux aux saveurs particulières, dont un blanc aux goûts de miel, de mandarine et d’armagnac. Tout comme l’Ukraine et la Géorgie, la Crimée était un des principaux fournisseurs de l’ex-URSS. Bien que la nouvelle Russie continue de se fournir principalement auprès de ses anciennes Républiques, l’année 2006 a vu ces relations commerciales se diluer avec l’accusation par les services sanitaires de présence de pesticides dans ces vins.
La voie est donc de plus en plus ouverte pour les vins étrangers, avec un marché (près de 400 millions de litres en 2006) qui serait le plus porteur au monde. Les vins aux saveurs douces — surtout appréciés par les femmes, nouvelles consommatrices — sont maintenant utilisés comme produit d’appel pour amener les consommateurs vers des vins plus secs. Les Russes de Moscou et Saint-Pétersbourg, principaux acheteurs et très amateurs de vins français, selon un sondage de l’agence de presse Romir Monitoring, sont aussi friands de connaissances sous toutes les formes. Ils possèdent une culture littéraire et une grande curiosité qui les rend ouverts à l’aspect culturel du vin français, et pour l’instant au coté traditionnel des étiquettes qui les rassure. Même si les vins du Nouveau Monde, plus repérables, commencent à s’affirmer surtout auprès des jeunes et dans les restaurants. Et puis, en Russie, lorsqu’on en a les moyens, on visite la France et ses régions. À leur retour, ces consommateurs aisés aiment retrouver les vins qu’ils y ont glanés comme ceux du Languedoc-Roussillon, des côtes de Provence ou des pays de Loire.


Cécile Mozziconacci